Là où les erreurs sont créatives
La cellule Inno vous embarque à nouveau sur les chemins de traverses, où l'on va joyeusement buter sur un tas d'erreurs et d'embûches. Vous pensiez être tranquillement calfeutrés chez vous ou dans votre univers professionnel habituel et rassurant ? à l'abri de la gaffe, du faux-pas, de la grosse bêtise ou de la mauvaise décision ? C'est raté !
Tout au long de cette publication, on va décrypter et célébrer ceux qui trébuchent et se relèvent. Et comprendre en quoi leurs plantades décuplent souvent leur créativité. C'est le moment de l'erreur créative à la cellule Inno, et on commence tout de suite avec deux loupés éclairants.
Massimo Bottura est le roi de la catastrophe en cuisine. Et ça n'enlève aucune étoile à son restaurant, le 3e meilleur du monde (l'Osteria Francescana, à Modène). Au contraire. Par exemple, son dessert mythique est né d'un accident en cuisine et s'appelle "Oops, I Dropped the Lemon Tart" (Mince, j'ai fait tomber la tarte au citron). Quand le second fait tomber sa réalisation en cuisine, éclatée au sol avec la vaisselle, Massimo trouve ça intéressant, et même artistique. Le second n'est pas viré et le dessert s'inscrit définitivement au menu, sous sa forme cabossée. Le renouvellement passe par la plantade.
Massimo Bottura aime bien aussi se tirer une balle dans le pied (cf. le titre de son anti-livre de recettes : Ne faites jamais confiance à un chef italien trop mince). Mieux, il court au désastre. Il faut voir l'épisode 1 - saison 1 de Chef's Table (sur Netflix, si vous n'en regardez qu'un, choisissez celui-là), où une série de tremblements de terre ravage l'Emilie-Romagne natale de notre héros et le pousse à se surpasser. Sa cuisine prend pour la première fois une dimension sociale. Qu'il ne lâchera plus.
Slack, vous connaissez ? En gros, c'est un outil de communication pour collaborer beaucoup plus efficacement, notamment à distance. 5 millions de personnes s'en servent chaque jour dans le monde. Huit mois après son lancement, la boîte valait plus d'un milliard (aujourd'hui 3,8). Mais toute la Silicon Valley oublie que ce succès fulgurant a été précédé d'années de ratés sur un tout autre projet.
Et c'est ça qui est vraiment instructif. L'équipe de geeks qui a développé Slack l'a d'abord fait pour elle-même. Le vrai projet était de bosser ensemble sur un jeu vidéo sensé bouleversé le monde, appelé Glitch. Après quatre ans et 16 millions de dollars investis, Glitch est abandonné faute d'audience. Un bide monumental. Sauf quand l'équipe réalise que le potentiel commercial n'est pas dans le projet inital (Glitch) mais dans l'outil annexe (Slack). Depuis, la page d'erreur de Slack affiche ce message d'auto-dérision, en reprenant l'univers visuel du jeu: "Vous avez trouvé un Glitch ! Vous êtes dans un endroit étrange. Probalement pas là où vous voudriez être".
Que vous soyez embourbé dans un Glitch ou terrassé par un loupé, en novembre on va tous apprendre de nos erreurs, avec des pro de la loose. Alors accrochez-vous !
L’époque est à la précision, et pas seulement en matière de recomptage de bulletins. Nous voudrions que les trains soient toujours à l’heure ; que les gens soient comme il faut ; que les principes soient respectés ; que le film corresponde à la critique ; que nos idées soient claires, nos opinions éditées et les tiroirs parfaitement rangés.
Tant pis pour l’époque ! Nous à la cellule Inno, on assume nos manières buissonnières. On se lance, on se plante, on recommence, on fait des fautes (bon, rarement parce que la Direction veille), on rature, on a la chemise qui dépasse du pull et le lacet défait.
Pire, on fait des erreurs. Plein. Des petites boulettes ou grosses plantades. Et, bizarrement, nous croyons en nos erreurs, en leur magistral potentiel créatif. Nous avons appris à décrypter ce qu’elles disent de nous et à nous en servir pour innover. C’est pour cela que cette publication sera particulièrement dodue en cours, ateliers et creative sessions.
Pour vous mettre en condition, nous vous proposons quelques exercices pour commencer à changer de regard sur vos erreurs et voir en quoi elles sont déjà utiles (voire créatives youhou) ça et là dans vos vies. Trompez-vous tant que vous voulez, mais faites bien vos exercices !
La Team cellule Inno
Exercice #1 : à nos actes manqués
“À tous mes loupés, mes ratés, mes vrais soleils” . Si Jean-Jacques Goldman les a encensés dans une chanson restée culte, tous les psys, à commencer par Freud, le disent : nos lapsus et actes manqués expriment en réalité de profondes vérités inconscientes. Les lapsus se glissent dans nos mots, écrits ou parlés. Les actes manqués dans nos actions. Les lapsus sont fréquents, tous les 600 à 900 mots selon les linguistes. On dit qu’ils sont révélateurs car ils nous informent souvent de ce qu’on pense vraiment. Et parfois, c’est gênant. On se souvient du mariage de Ross dans Friends, où il confond sa fiancée Emily avec son ex Rachel : "I, Ross, take thee Rachel". Gloups.
Se fouler la cheville avant de partir en weekend, perdre ses clés et s’enfermer dehors, envoyer un sms à la mauvaise personne sont autant d’actes manqués. Et bizarrement, on se sent un peu soulagé après, non? Les actes manqués, finalement, peuvent nous aider à nous dépêtrer de certaines situations.
Dans la liste d’erreurs qui nous informent, il y a aussi les erreurs qui se répètent. Si l’on se retrouve à rejouer la même scène (palmarès à Scarlett O’hara qui s’entête à toujours choisir Ashley Wilkes qui a pourtant été clair), c’est sans doute qu’on a quelque chose à comprendre. Notre psyché essaie subtilement de nous mettre sur la voie.
EXERCICE :
Concentrez-vous, fermez les yeux et laissez remonter le souvenir de ces erreurs joyeuses …
1/ Repensez à un moment où votre langue a fourché (oups) pour produire un lapsus drôle ou “parlant” qui vous a marqué.
2/ Rappelez-vous d’acte manqué qui vous fait encore sourire aujourd’hui, qui débloqué ou transformé une situation de manière inattendue, qui vous a amené à créer quelque chose de nouveau.
3/ Et si rien ne vous vient à l’esprit, laissez germer l‘idée et invitez-les. Croyez-nous, ils ne manqueront pas de se pointer.
4/ Partagez-nous vos plus belles histoires de lapsus, actes manqués et répétitions à cellule.innovation@ccas-grenoble.fr
Exercice #2 : l'art de la sérendipité
Un nombre incalculable de découvertes, inventions et créations sont nées d’erreurs ou de hasards. En vrac, on peut citer le Coca-cola, la pénicilline et les cornflakes, mais aussi l’Amérique elle-même ! Christophe Colomb était parti pour découvrir la route des Indes quand il est tombé sur les rives d’un continent inconnu.
Mais, pour être créatif, Il ne suffit pas de faire des boulettes. Encore faut-il avoir la disposition d’esprit pour transformer cet imprévu ou ce hasard en une découverte. Ce qu’ont en commun les inventeurs, c’est la sérendipité, que l’on appelle aussi à la cellule Inno, les “happy mistakes”. C’est un état d’esprit. On peut tomber sur un os et ne pas en déceler le potentiel. La sérendipité, c’est au contraire l'art ou la capacité de faire une découverte fortuite de résultats que l'on ne cherchait pas. C’est la traduction du mot “serendipity”, un concept inventé en 1754 par Horace Walpole, un collectionneur érudit, alors qu'il faisait une découverte fortuite sur des armoiries vénitiennes.
Ce qu’on aime dans la sérendipité, c’est aussi sa poésie. Marc Vella, un musicien virtuose français a créé L’Ecole de la Fausse Note. Loin de condamner une erreur de portée, il s’en réclame : “Elle fait partie de la musique, elle fait partie de la vie” et dédie son enseignement à “rendre belles les fausses notes de la vie”. Chiche?
1/ Vous le faites déjà (on espère) quand vous tirez votre carte du matin dans votre jeu de photolangage préféré et observez les liens avec ce que vous vivez. Continuez !
2/ Amusez-vous au jeu d’associer n’importe quoi, en répondant par un croquis, un mot, un titre de film, une expression, etc. Par exemple, qu’obtient-on en croisant une vache et un trampoline? Pour nous … un milkshake !
À VOUS DE JOUER :
Par ici pour d’autres associations loufoques !
Qu’obtient-on en croisant :
un burger et un ordinateur ?
un perroquet et une montre ?
le diable et des rollers ?
Einstein et une règle ?
un chanteur et un boulanger ?
Médor et une arme à feu ?
un avocat et un accident ?
l’océan et le Sahara ?
une star et un appareil photo ?
Exercice #3 : l'erreur à propulsion
Vous ne connaissez probablement pas ce nom, mais Canlis, un restaurant gastronomique prisé à Seattle, est en train d’exploser tous les records de l’erreur créative. Le 12 mars 2020, le gouverneur de l’Etat de Washington ordonne la fermeture des restaurants. Le lendemain, déterminés à maintenir leur staff, les frères Canlis, aux manettes de cette institution créée en 1959 par leur grand-père, prennent une première décision radicale : créer un “burger stand”, un stand de burgers à emporter, loin de la cuisine délicate qui a fait leur réputation.
C’est un carton plein, des heures de queue. Sauf qu’ils se rendent vite compte qu’ils ne peuvent maintenir le niveau d’exigence et de qualité dans ces conditions. Pas grave, trois jours plus tard, ils lancent un “crab shack”, puis ce sera un ciné dans leur parking, des soirées bingo online, des levées de fonds pour des charités, etc. jusqu’à leur dernière idée en date, qui leur aurait été soufflée par leur voisin, Bill Gates : la création d’une école, le Canlis Community College. La crise sanitaire les a amenés à revoir leurs principes révolus, multiplier les erreurs créatives, s’investir de plus en plus dans leur communauté et découvrir leur vraie raison d’être. Chapeau.
C’est pour nous un exemple absolu de “test and learn", auquel nous sommes, chez My Little Paris, biberonnés depuis notre plus tendre période d’essai. Derrière cet anglicisme se cache la capacité à mettre en branle une idée, même imparfaite, même brouillonne et d’apprendre au fil de l’eau des erreurs qui s’ensuivent (inévitablement) pour bâtir le projet. Pour ne rien vous cacher, c’est ce qu’on fait sur Traverses depuis la rentrée. On teste des formats et on a déjà identifié et grandi de quelques erreurs. Et c’est le kiff.
Ressource : @canlisrestaurant
Exercice #4 : Hoʻoponopono
Peut-être la plus grande opportunité créative que nous offrent nos erreurs, est celle de nous transformer nous-mêmes. Et nos relations aux autres. La puissance de la reconnaissance de ses erreurs est immense. Son pouvoir créatif est illimité. Création de nouveaux liens, d’un nouvel espace de dialogue, de nouvelles possibilités. Ce n’est pas pour autant facile.
Les Hawaïens ont une coutume ancestrale, le Hoʻoponopono, que certains traduisent par « remettre les choses en ordre » ou « recréer l’ordre universel ». Dans le passé, à Hawaï, un(e) prêtre(sse) ou guérisseu(se)r menait une cérémonie pour aider une personne à retrouver la paix intérieure, mais également pour faire renaître la paix dans une communauté ou une famille traversée par un conflit. Aujourd’hui, c’est une pratique que l’on peut mener seul, en s’appuyant sur un mantra: « Désolé, Pardon, Merci, Je t’aime ».
Le Hoʻoponopono, ce ne serait pas un peu ce qu’expérimente Bill Murray dans Un jour sans fin ? Son personnage exaspérant se réveille tous les jours à la même heure dans la même journée et, après s’être amusé puis désespéré de cette situation, il finit par tomber amoureux d’Andy McDowell (qui ne se souvient jamais de lui le lendemain matin, fatalement) et se servir de la situation pour corriger ses erreurs et… se révéler. In the end, l’amour gagne bien sûr.
Exercice :
Si vous pouviez rejouer une journée et corriger vos boulettes, ça se passerait comment?
La plupart des comédies romantiques jouent sur les bourdes, maladresses et la sérendipité, notamment :
“Un amour à New York” de Peter Chelsom
“Coup de foudre à Notting Hill” de Roger Michell
“Moi, toi et tous les autres” de Miranda July
“Un jour sans fin” de Harold Ramis (et tous les films de Bill Murray)
“Autant en emporte le vent” de Victor Flemming
L’intégrale de Charlie Chaplin
L'intégrale de Woody Allen
L’épisode “Massimo Bottura” de la série documentaire Chef’s Table (saison 1)
Le TEDx de Tim Leberecht - 3 manières de perdre (utilement) le contrôle de votre marque
Ici le lien à découvrir pour La newsletter de Géradine Dormoy
La part de l’autre d'Éric-Emmanuel Schmitt
La série des "Bridget Jones" d’Helen Fielding
L'intégrale de Jean-Jacques Sempé, et plus particulièrement de son "Petit Nicolas"
L'intégrale de "Gaston Lagaffe" d'André Franquin
Creative morning : La poésie du loupé, avec Maïa Flore
Des rencontres photographiques d’Arles à la direction artistique de Kinfolk, en passant par les plages d’Islande et de Californie, l’artiste photographe Maïa Flore nous décrypte comment le jeu et l’erreur sont au cœur de son processus créatif. Elle nous raconte également comment son installation aux Etats-Unis l’a aidé à se décomplexer en matière de ratés. Lumineux.
par Capucine
Ophélie nous a parlé ruptures, agriculture urbaine, permaculture, drag queens et biomimétisme.
le rapport aux proportions : le fait de se concentrer et apprécier les espaces où la nature reprend un peu ses droits même en ville (si si, en ouvrant grand les yeux vous trouverez aussi).
le rapport au temps : elle organise son planning en fonction des saisons, elle y trouve un rapport organique différent. C’est la leçon qu’elle tire du biomimétisme. La nature lui enseigne aussi la patience, vertu à la base du mouvement du “slow”.
le rapport à la mort, qu’elle trouve désormais cyclique.
la leçon de la permaculture : c’est un concept presque philosophique. Observer, cela fait gagner du temps, et permet de composer en fonction des ressources qu’on a. Cela rend même plus créatif, et respectueux du vivant.
démarrer petit, à son échelle et avec ses moyens. D’abord passer par les actions individuelles pour aller dans l’espace collectif comme une plante sauvage qui se répand dans l’espace. Commencer dans son appart, puis dans son immeuble, puis dans sa rue… Pour végétaliser la ville toute entière.
Pour ceux qui auraient été bien inspirés par le concept de green guérilla, ça commence ici :
Guerilla Green, Guide De Survie Végétale En Milieu Urbain, Ophélie Damblé et Cookie Kalkair
Version instagram ici: @green_guerillas
Manifeste pratique de végétalisation urbaine, Ophélie Damblé
Fail Camp avec Albert Moukheiber, Erreur & Mastermind
Il est jeune, il est brillant, il est neuroscientique et il remplit les amphis. Albert Moukheiber a déjà publié un livre (Votre cerveau vous joue des tours), conseille le CSA en matière de “fake news” et organise pour l’armée française des “Fail Camps”.
Creative evening : L'art de la gamelle, avec Camille Chamoux
Quand on est comédienne et auteure, qu’on est mise en scène par Camille Cottin ou Vincent Dedienne, qu’on fait partie de la brochette sélectionnée par Jonathan Cohen pour La flamme, on a peut être pas grand chose à raconter sur les ratés ? Tout faux. Camille Chamoux réserve à Traverses une interview-foirades qu’on attend avec autant d’impatience que la reprise de son génial spectacle au théâtre, Le temps de vivre. Shots d’optimisme en perspective.
Masterclass : Que faire de ses erreurs ? de Géraldine Dormoy
Blogueuse mode pionnière, journaliste exigeante, auteur d’un livre intime sur son cancer, Géraldine Dormoy a développé une hygiène de l’attention qui lui permet de reconnaître ses erreurs et d’éviter les suivantes. “Prêter l’oreille à mon intuition peut me sauver mais aussi me rendre plus créative” : elle explique tout ça dans sa masterclass.
La Masterclass sur l’erreur est bouclée et nous espérons que vous êtes désormais piquouzés à l’adage de Winston Churchill : “Le succès, c'est être capable d'aller d'échec en échec sans perdre son enthousiasme”. Néanmoins, un petit bootcamp pour approfondir ne vous fera pas de mal. Allez, au boulot, la promo !
Leçon #1 : erreur, y es-tu ?
Avant toute chose, qu’on se le dise, se planter, c’est relou. Comme nous l’a expliqué Albert Moukheiber, psychologue clinicien et docteur en neurosciences, un de nos profs récurrents chez Traverses, il est irréaliste de demander à quelqu’un qui veut réussir quelque chose et qui vient d’échouer, de bien le prendre. Au moment de l’échec ou de l’erreur, on a le “seum”. Et ce n’est pas grave. Ce qui est intéressant, c’est de changer notre regard sur l’échec.
Ce qui est certain, c’est que l’erreur est relative. Pourquoi ? Parce que, comme l’a si joliment dit l’écrivaine Anaïs Nin, “ nous ne voyons jamais les choses telles qu'elles sont, nous les voyons telles que nous sommes ”. Cette formule poétique est by the way corroborée par les neurosciences.
L’erreur dépend donc de celui ou celle qui la déclare. Par exemple, certains, en dévorant The Crown, sont horrifiés de voir Charles et Diana se passer la bague au doigt. D’autres se disent certes, mais la vie de château, deux beaux enfants, quelle expérience de vie ! Qui peut dire si c’était une erreur? Tout dépend de nos propres critères d’évaluation de ce qu’est un échec.
L’erreur est relative : dans certains cas, l’échec est décrété par l’extérieur (ex : qui gagne et perd la médaille d’or aux JO). Dans d’autres cas, elle est décrétée par nous-mêmes (ex : aller à la salle de sport 3 fois au lieu des 4 que l’on s’était fixés pour la semaine).
L’erreur a la même racine étymologique que l’errance : nous faudrait-il errer et se tromper pour trouver ce qu’on cherche ?
L’erreur peut être un raccourci vers le désir et nous permettre de gagner du temps.
Exercice #1
Connaissez-vous Fleabag, la série britannique. Non ? Shocking ! Avec un irrépressible talent, la jeune auteure, réalisatrice et productrice Phoebe Waller-Bridge a flanqué un coup de vieux aux codes (pas si vieux) de la série avec deux saisons qui traitent des boulettes plus ou moins fatales d’une trentenaire britannique, alias Fleabag (traduire : sac à puces). Attention, humour grinçant. No spoiler, juste deux morceaux choisis parmi les bourdes que Fleabag finit par regretter : tomber raide dingue d’un prêtre catholique ou savoir identifier le pénis de son père parmi 30 moulages réalisés par sa marâtre de belle-mère.
Et vous, quelle est l’erreur que vous aimeriez (dé)gommer ?
Question 1 : Décrivez la boulette en question.
Question 2 : Quelle(s) conséquence(s) a eu cette boulette ?
Question 3 : Pourquoi vous y pensez encore ?
Promis, à la fin du cours, vous gagnez la gomme !
* ” On fait tous des erreurs. C’est pour cela qu’il mettent des gommes au bout des crayons de papier ”
Leçon #2 : love your peau de banane
Chaplin a dit « J’aime mes erreurs, je ne veux pas renoncer à la liberté délicieuse de me tromper ». Nous, pareil. Et ça tombe bien, même si les erreurs sont inévitables, elles sont parfois les bienvenues.
Pensez donc ! Si les erreurs n’existaient pas, il n’y aurait ni littérature, ni cinéma, ni chanson ni série. Imaginez Thelma et Louise sans la rencontre torride mais regrettable de Thelma avec ce filou de Brad Pitt ? Mouais. Autant en emporte le vent sans les mauvaises décisions de Scarlett ? Boring.
Sans compter que le niveau de créativité sur cette planète serait réduit à peau de chagrin sans les erreurs. Dans La Grande Odalisque, Ingres a fait passer la beauté avant la vraisemblance en ajoutant quelques vertèbres à son modèle, mais qui peut lui en vouloir ? Sur un autre registre, en 1828, Alexander Fleming eut la bonne idée de s’absenter en laissant mijoter ses recherches sur le staphylocoque. Les moisissures qu’il a retrouvées en rentrant avaient des vertues antiseptiques. Bim, invention de la pénicilline !
Accepter que ses erreurs puissent être créatives
Reconnaître leur rôle dans notre parcours et notre histoire
Comprendre que nos talents et savoir-faire ne sont pas tous innés et qu’ils sont parfois forgés par nos erreurs
Exercice #2 : nos parcours accidentés
Nous avons suivi l'interview depuis son studio de Los Angeles, de l’artiste photographe Maia Flore (devenue officiellement notre muse californienne). Elle est revenue sur les “accidents” qui ont dessiné le relief de son parcours et en ont donné toute la richesse. L’un de ses plus beaux accidents créatifs? Une peau de banane sur Photoshop ! Alors directrice artistique pour Kinfolk, Maia bûche sur “The imperfect issue” (l'Édition Imparfaite). C’est alors qu’elle cherche comment mettre en image une journée loupée, qu’une maladresse graphique lui apporte la réponse. Un swipe, les calques se mélangent et hop, la photo parfaite apparaît !
Listez vos plus beaux accidents créatifs et/ou de vie et retracez ainsi le relief de votre parcours jusqu’à ce jour.
Leçon #3 : faire de ses pépins des pépites
Commençons par rendre à César ce qui est à César, en l'occurrence la jolie punchline en titre. “Faire de ses pépins des pépites !” est, depuis des années, le leitmotiv de la team Relation Client de My Little Box. Pour cette équipe, chaque souci rencontré et partagé par un(e) abonné(e) de la box est avant tout l’occasion d’échanger et de tisser des liens plus riches avec la personne.
C’est aussi l’opinion d’Albert Moukheiber qui considère que l’erreur peut même être un outil d’apprentissage, de connaissance et d’appropriation des sujets. Pour lui, pas étonnant que Elon Musk ait réussi à revitaliser l’exploration spatiale avec SpaceX, au nez et à la barbe de la NASA ou de l’AES. Au-delà des fonds privés sur lesquels il s’appuie, il progresse grâce à des “stress test” en lançant des fusées, dont beaucoup s’écrasent (oups) en apportant à chaque fois à sa team, de précieuses informations pour s’améliorer. Certes Space X a crashé plus de fusées que la NASA, mais c'est aussi la seule entreprise privée capable d'en faire décoller et de lui barboter des contrats de mise en orbite de satellites. En quelques années seulement, comme l'avait prédit Elon Musk, l'homme qui n'a pas peur de fanfaronner ni de se planter.
Sans oublier Camille Chamoux qui a écrit ses quatre spectacles “seuls en scène” lors d’un moment de lose dans sa vie (un tournage décalé, etc.). Des périodes où elle est désarmée, désœuvrée, mais qui lui offrent l’inspiration et le temps de concentration nécessaires pour créer. Sachez (au cas où vous seriez un jour invitée au même dîner) qu’elle tire ses meilleures inspirations des soirées où elle n’a pas envie d’aller. Elle rentre chez elle stimulée par un dîner pourri ou une conversation avec un convive dépressif. Pour elle : de la matière, de l'or, pour ses spectacles et son jeu de comédienne.
On peut apprendre de ses erreurs : la réussite est une erreur rectifiée.
En sciences, tant qu’on n’arrive pas à prouver qu’on se trompe, on se dit : il semblerait qu’on ait raison.
Prendre de la distance, suspendre son jugement, revoir le contexte de l’erreur.
Identifier les erreurs déjà commises, soit par nous, soit dans nos lignées familiales permet de mettre le doigt sur les schémas répétitifs dont on ne veut plus.
En somme, il convient de changer son regard sur l’erreur.
Exercices
EXERCICE #1 - Le dégommage de votre boulette
Ayé ! Rembobinez et revenez à la fameuse boulette regrettable que vous aimeriez bien gommer (ça vient). Avec le recul, que vous a-t-elle permis de faire ou d’accomplir ?
Zou, permission de gommer. Ça va mieux maintenant?
EXERCICE #2 - La boulette party
Ça sonne bizarre comme ça, mais (on a testé pour vous) c’est très fun et utile. Et une astuce inestimable pour pimper vos ultimes dîners zoom de confinement. Le dîner de l’échec. Une soirée où l’on demande à chacun de partager ses pires échecs. Et puis, comme un rituel libératoire, de s’en détacher.
Rassemblez quelques ami(e)s et, une fois que tout le monde est attablé derrière son écran, lancez-vous !
Entrée : Le moral dans la fourchette, genre “Je m’en veux, j’ai fait la pire boulette au monde!”
Plat Principal : Chacun écrit ses problèmes sur sa serviette (en tissu #paperless)
Dessert : Chacun partage son problème avec la tablée, on transforme par l’échange, on relativise
Digestif : État de sortie soulagé et la panse bien tendue, “Ban, c’est pas si grave et je m’en fous en fait ”
Leçon #4 : sentir venir la boulette
La réalisatrice Nora Ephron, que le monde remercie chaque jour de lui avoir offert Quand Harry rencontre Sally (et Nuits Blanches à Seattle, mais là c’est perso), a commencé la vie du mauvais pied amoureux. Elle s’est mariée avec Carl Bernstein, l’un des journalistes du Washington Post à l’origine du Watergate. Bien sur le papier, sauf qu’il l’a trompée et laissée sur le carreau avec leur enfant. Pas glop. Nora étant Nora, elle a tiré de cet échec une comédie croustillante avec Meryl Streep et Jack Nicholson, appelée Heartburn (La Brûlure). Dans une scène anthologique au début du film, Meryl fait poireauter Jack et tous les invités apprêtés devant l’autel pendant des heures tandis qu’elle ressasse ses doutes en tenue de mariée, à qui veut l’entendre, dans la pièce à côté. Elle ne le sent pas, quoi.
Géraldine Dormoy a bien décrit ce sentiment dans son cours. L’idée que si l’on se connecte à son corps, si l’on s’aligne sur ses émotions, on peut éviter pas mal de boulettes. Ou en tout cas les voir venir. Elle décrit cela comme “l’hygiène de l’attention”. Elle a développé de véritables rituels, le matin ( yoga, course à pied, flot de pensée, écriture), pour pratiquer cette attention aux signaux faibles. “Le reste de la journée, j’essaie d’être présente à ce que je fais.”
Quels sont donc ces signaux faibles et que lui disent-ils? “Quand j’arrive quelque part ou que je suis à côté de quelqu’un, des faisceaux d’informations me parviennent. Je ne les comprends pas toujours mais je m’y fie. Si je fais tomber quelque chose ou que je me cogne, je me demande pourquoi. Suis-je fatiguée ? À quoi pensais-je quand l’objet m’a échappé ou que je me suis heurtée au pied du lit ? Si je ne « sens pas » mon voisin de métro, je change de wagon.”
Construire sa propre hygiène de l’attention : développer des rituels personnels pour mieux se connecter à son corps, son esprit et son instinct.
Capter et interpréter les signaux faibles reçus pendant la journée.
Cesser de lutter, se contenter d’être présent.
Exercices
Notre corps nous parle. La réalisatrice Maïwenn, s’est appuyée sur le langage du corps dans son film “Mon Roi”, dans lequel l’héroïne se casse le genou (je-nous) au moment où elle se sépare de son ex manipulateur. Dans son livre “Mal de Pierres”, Milena Agus évoque le destin d’une femme que les hommes fuient à cause d’une folle souffrance suscitée en apparence par des calculs rénaux, mais en réalité par le désir forcené d’une autre vie. Le langage de notre corps est d’une subtile richesse. C’est une langue intime et personnelle, que l’on peut apprendre à apprivoiser. On s’exerce?
Ces derniers temps, en avez vous eu plein le dos par moments ou vous êtes vous pris la tête, etc. ?
Repensez aux moments précis où votre corps vous a envoyé des signaux. Placez-les sur le dessin et essayez de reconstituer dans votre esprit le contexte ou la situation. Tissez des liens. Ce qui est intéressant, c’est de prendre conscience de la manière dont vous avez réagi à ses signaux. Et de la travailler.
Géraldine se lève à cinq heures du matin pour ses rituels, mais on ne vous en demande pas tant, même aux plus studieux d’entre vous. Prenez néanmoins le temps de réfléchir aux activités qui vous re-connectent le mieux aujourd’hui à vous-même. Elles sont précieuses !
Leçon #5 : même pas peur !
On a largement évoqué nos erreurs passées, celles que l’on regrette ou que l’on peine à transformer. Mais qu’en est-il de … nos erreurs à venir ?
Pour nombre d’entre nous, les boulettes que l’on imagine nous glacent d’avance et peuvent nous bloquer dans notre élan créatif parce qu’il y a une chance de se planter. Le pire, c’est que parfois, c’est cette même peur qui appelle l’échec ! On appelle cela les prophéties auto-réalisatrices. Mais sans aller jusque là, il est important de comprendre que ce qui compte, c’est de se focaliser sur la peur, c’est elle le vrai sujet, plutôt que l’hypothétique bourde. De quoi a-t-on peur et à quoi cela nous renvoie? Une fois que l’on a compris, on peut se lancer en confiance.
Et puis on peut aussi s’inspirer de ceux que ça ne gêne pas du tout, au contraire ! On ne résiste pas au plaisir d’inviter Monsieur Belmondo dans ce bootcamp, tant il a l’art de foncer dans les galères avec panache. L’Homme de Rio, L’As des As !! C’est d’ailleurs dans ce film légendaire que son personnage de coach tonitruant de l’Équipe de France de Boxe en 1936, passablement saoulé par l’avènement de ces nazis qui perturbent l'entraînement de ses boxeurs pour les Jeux Olympiques de Berlin, se retrouve embrigadé dans une aventure pour sauver la famille juive en fuite du petit Simon. Alors qu’il est en rase campagne avec l’enfant, il lui explique sobrement (best scene ever) : “Des emmerdements, dès qu’il y en a quelque part, je peux pas résister, je plonge.” On adopte la fougue de l’As de la boulette ?
On peut avoir peur de faire des erreurs.
S’exercer à dépasser la peur de se tromper en examinant sa peur plutôt qu’en se focalisant sur l’erreur.
La peur peut provenir par exemple d’une situation déjà vécue que l’on n’a pas envie de revivre, de ce que l’on nous a transmis dans notre éducation ou encore d’informations issues des médias.
Exercice : pile et face
Livrez-vous aux deux facettes d’un même exercice pour débusquer vos peurs de l’erreur et laisser la place à la créativité.
Avant de vous lancer dans ce projet créatif personnel qui vous tient tant à cœur, couchez vos craintes sur le papier. Tout de suite, la frousse descend d’un cran.
Et pour chaque crainte, demandez-vous ce qui peut arriver de pire finalement ?
Et enfin, face à ce scénario du pire, que feriez-vous?
Et si maintenant on voyait le verre à moitié plein? Certes, des boulettes, on en fera tous à l’avenir. Mais, quelle créativité, quelles expériences de vie en ressortiront ! Finalement, si on prenait les choses à l’envers et qu’on s’interrogeait plutôt sur les erreurs que l’on aimerait avoir l’opportunité de faire à l’avenir?
Par exemple, nous, on aimerait égarer notre passeport à Tofino (un village planqué sur l’île de Vancouver) et être obligé d’y rester 3 semaines de plus, le temps que l’ambassade nous en renvoie un tout neuf. Ou croire dur comme fer qu’on a trouvé le grand amour en la personne d’une rockstar et se rendre compte que ça ne colle pas APRÈS l’avoir accompagné dans sa tournée mondiale pour le lancement de son nouvel album.
À vous !
Leçon #6 : résiste
Et si nos bourdes n’étaient ni plus ni moins que des actes de résistance ? Quand Maïwenn, pour la citer à nouveau, signe un film poignant sur le travail des policiers de la brigade de protection des mineurs de Paris, elle joue sur l’orthographe du mot : Polisse. Quand Gainsbourg et Jane se parlent d’amour, c’est à travers un non-sens : “Je t’aime, moi non plus”. Des erreurs de grammaire brandies par leurs auteurs comme autant de façons de s’engager au contraire de ne pas rentrer dans le rang.
L’erreur comme mode de vie? C’est le choix de l’empereur de la gaffe, le bien-nommé Gaston Lagaffe. Résistant, Gaston? C’est en tout cas la thèse soutenue par l'écrivain Pierre Ansay dans son essai Gaston Lagaffe philosophe. Ce anti-héros, bricolo-bidouilleur, créé par Franquin dans les années 50, incarnerait en réalité une forme de résistance à l’ordre de l’entreprise. « Tous les concepts philosophiques anthropologiques de la résistance sont présents dans Gaston Lagaffe », explique Pierre Ansay. En effet, les inventions excentriques de Gaston viennent souvent contrecarrer la bonne marche de l’entreprise, de même que ses journées passées à rêvasser et à procrastiner. Pour Pierre Ansay, en bidouillant et en créant, Gaston s’inscrit dans la pensée des philosophes françois Spinoza et Deleuze, pour qui le désir se comblait en bricolant son monde.
Pour d’autres, c’est carrément passion-plantade. Simone Giertz est une jeune vidéaste suédoise. C’est surtout une roboticienne autodidactme qui s’est autoproclamée “reine des robots de merde”. Elle partage sur sa délicieuse chaîne Youtube, ses créations robotiques loufoques, certes fonctionnelles, ais souvent inefficaces. Elle a par exemple imaginé un programme d’entraînement Do It Yourself pour devenir astronaute; bidouillé le premier camion Tesla; créé un instrument de musique à partir de dentiers. Spécial dédicace pour la vidéo où elle explique la construction d’une cabine de selfie pour son chien. Elle a pensé à tout pour qu’il puisse actionner lui-même la caméra et recevoir des croquettes.
Smart.
Exercice
Franquin, l’auteur de Gaston Lagaffe, expliquait à propos d’un aquarium-tunnel conçu par Gaston parcourant toute la rédaction dans laquelle il travaille : "C'est ça, pour moi, le véritable Gaston: c'est le personnage, capable d'entreprendre des histoires folles, sottes, inconcevables, sauf par lui, juste pour procurer un peu de plaisir à son poisson rouge!"
À vous ! Pas de censure ! Quel machin génial, loufoque, pas fonctionnel et maladroit avez-vous envie d’inventer aujourd’hui? Ce serait pour qui?
Envoyez-nous votre idée (ou carrément la photo de votre réalisation !) à cellule.innovation@ccas-grenoble.fr et n’hésitez pas à partager l’exercice avec vos amis.
Ressources pour aller pour loin
La newsletter de notre prof, Géraldine Dormoy
Un cancer pas si grave, Géraldine Dormoy
Libérer votre créativité, Julia Cameron (la référence de Géraldine pour travailler le flot de pensée)
Votre cerveau vous joue des tours, Albert Moukheiber
Mal de Pierres, Milena Agus
Gaston Lagaffe philosophe : Franquin, Deleuze et Spinoza, Pierre Ansay
Le travail de Maia Flore
Rememories, Maia Flore
D’îles en lune, Maia Flore & Albane Gellé
Magazine Kinfolk, dont Maia est directrice artistique
Thelma et Louise de Ridley Scott
Autant en Emporte le Vent de Victor Fleming
L’Homme de Rio de Philippe de Broca et L’As des As de Gérard Oury avec Jean-Paul Belmondo
Fleabag, la série magique de Phoebe Waller-Bridge
La flamme la série Canal + avec Camille Chamoux
Et en live, le spectacle de Camille Chamoux Le temps de vivre mis en scène par Vincent Dedienne, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin à Paris
La Leçon, le podcast sur l'art d'échouer de Pauline Grisoni
How to fail, un podcast en anglais de Elizabeth Day
L'oeuvre, d'Anais Nin
Et pour le plaisir, Je t’aime moi non plus, Serge Gainsbourg et Jane Birkin
Conclusion
Britney aura le mot de la fin car, n’oubliez jamais que ...l’erreur est humaine.
C’est la récré, debout là-dedans, mettez le son, révisez la choré et kiffez !
コメント